Les menaces hybrides désignent un ensemble d’actions coordonnées — souvent menées simultanément — qui combinent cyberattaques, espionnage industriel, campagnes de désinformation et pressions économiques. L’objectif ? Déstabiliser à la fois la sphère politique, l’économie et la confiance générale, en profitant des vulnérabilités propres à chaque domaine.
Dans un contexte où les attaques se multiplient et se diversifient, il devient crucial de comprendre la nature de ces menaces pour mieux s’y préparer et protéger durablement ses intérêts.
- Des exemples récents et parlants
2.1. Multiplication des attaques DDoS (2024-2025)
Ces dernières années, on constate une augmentation notable des attaques par déni de service distribué (DDoS), qui consistent à inonder un site ou un serveur de trafic pour le rendre indisponible.
En 2024, plusieurs ministères français (Culture, Santé, Économie et Transition écologique) ont été ciblés par une attaque revendiquée par « Anonymous Soudan ». En 2025, des entreprises et d’autres secteurs privés ont également été impactés. La facilité d’accès à des outils d’attaque (souvent vendus sur le Dark Web) et la médiatisation de ces événements contribuent à la prolifération de ce type de menaces.
2.2. La guerre hybride russe en Europe (2022-2024)
Au-delà des cyberattaques, la Russie aurait mené une véritable « guerre hybride » contre plusieurs États européens. Selon un récent article des Échos (mars 2025), ces actions de déstabilisation incluent sabotages, tentatives d’assassinats, campagnes d’influence et désinformation.
La France, l’Allemagne, les États baltes et les pays scandinaves auraient été particulièrement visés. Cette stratégie, souvent qualifiée de « guerre low-cost », met en lumière l’ampleur des risques encourus par les démocraties européennes, tant sur le plan politique qu’économique ou social.
2.3. Espionnage et sabotage dans l’industrie de défense française (2022-2024)
La dimension « classique » des menaces demeure un enjeu de taille. Sébastien Lecornu, ministre des Armées, a mis en avant une hausse de 25 % en deux ans des cambriolages, sabotages et actions d’espionnage visant les entreprises de défense ou leurs sous-traitants.
Ces acteurs sont souvent moins protégés ou moins sensibilisés que les grandes entreprises, ce qui en fait des cibles de choix pour des opérations étrangères. Les conséquences pour la compétitivité et la souveraineté française peuvent être particulièrement graves, notamment lorsque des technologies sensibles ou des informations stratégiques sont dérobées.
2.4. Stratégies de prédation économique
Les menaces hybrides peuvent également prendre la forme de manœuvres économiques plus subtiles : rachat d’un fournisseur clé, création volontaire d’une dépendance sur une matière première stratégique, ou encore investissements massifs menant à une situation de monopole.
Lorsqu’une entreprise ou un État se retrouve économiquement dépendant d’un acteur peu scrupuleux, c’est sa souveraineté et sa résilience qui s’en trouvent fragilisées. Cette dépendance peut ensuite être exploitée pour exercer une pression politique, obtenir un avantage concurrentiel ou imposer des conditions désavantageuses à long terme.
- Comprendre l’ampleur et l’objectif final
Les menaces hybrides visent, in fine, à entamer la confiance globale — qu’il s’agisse de la confiance des citoyens dans leurs institutions, des investisseurs dans l’économie, ou des consommateurs dans les entreprises. Les attaques peuvent ainsi se dérouler simultanément ou de manière asynchrone, sur plusieurs fronts : cyber (saturation de serveurs, vol de données), information (diffusion de fake news ou de rumeurs), géopolitique (atteintes à la sécurité nationale) et économique (rachat d’actifs stratégiques, blocage de ressources).
Dans ce paysage complexe, les États ne sont pas les seuls protagonistes :
• Des groupes criminels agissent parfois pour leur propre compte (rançons, ventes de données, trafic), mais aussi en tant que « proxies » pour des puissances étrangères.
• Des groupes ou fonds étrangers servent de passerelle pour prendre le contrôle de secteurs ou créer des dépendances.
Cette multiplicité d’acteurs brouille la chaîne d’attribution et complique les ripostes.
- Les enseignements clés pour les organisations
4.1. Ne pas cloisonner la sécurité
Une première leçon fondamentale est la nécessité de dépasser une vision « en silos » de la sécurité. Les menaces hybrides touchent à la fois l’informatique, la réputation, la sûreté physique, la gestion de crise et les enjeux juridiques.
Pour y faire face, il faut mobiliser l’ensemble de l’organisation et adopter une posture de sûreté globale : la direction générale, la DSI, les départements juridiques et communication, ainsi que les ressources humaines et la sécurité physique. Seule une approche coordonnée et holistique permet de réagir efficacement à des scénarios qui se jouent sur plusieurs terrains.
4.2. Évaluer sa vulnérabilité et anticiper
Un audit de sûreté spécifique aux menaces hybrides constitue un point de départ essentiel. Il s’agit d’identifier les actifs critiques (données, savoir-faire, partenariats stratégiques), d’évaluer les risques (quels scénarios d’attaques sont les plus probables ?), de cartographie ses dépendances et d’anticiper les conséquences potentielles (dommage réputationnel, interruption de la production, sanctions juridiques, etc.).
La mise en place d’une surveillance 360° (veille cyber, veille médiatique, monitoring des signaux faibles) est un autre élément indispensable. Plus une organisation détecte tôt les indices d’une menace, plus elle a de chances de se protéger ou de limiter l’impact d’une attaque.
4.3. Renforcer la résilience de la chaîne de sous-traitance
Les maillons faibles se trouvent souvent chez les sous-traitants ou les prestataires, qui ne disposent pas toujours des mêmes moyens de protection. Il est donc crucial de sensibiliser et d’accompagner ces partenaires, notamment par la formation, l’audit ou la contractualisation de clauses de sécurité.
Dans l’industrie de défense, par exemple, un prestataire mal protégé peut devenir la porte d’entrée pour une attaque beaucoup plus vaste, compromettant des informations ou des technologies stratégiques.
4.4. Ne pas sous-estimer la dimension informationnelle
Les campagnes de manipulation ou de désinformation peuvent causer des dommages sérieux à la réputation d’une entreprise, voire semer le doute dans l’opinion publique. De fausses informations, répandues via les réseaux sociaux, peuvent entraîner des réactions en chaîne (panique, mouvement de clients, pressions politiques, etc.).
Il est donc essentiel de former les collaborateurs, en particulier ceux en lien avec la communication et les relations publiques, à identifier et contrer les tentatives de manipulation de l’information.
- Vers une approche proactive et coordonnée
5.1. Identifier ses priorités stratégiques
Avant toute chose, il convient de lister et hiérarchiser les biens, processus, sites ou filiales les plus critiques. Savoir ce qui est vital pour la pérennité de l’organisation permet de cibler en priorité les actions de protection. Cartographier ses dépendances est également un exercice essentiel.
5.2. Mettre en place des cellules de veille
Une cellule de veille, composée de profils variés (IT, communication, juridique, etc.), peut scruter en permanence l’environnement de l’organisation. Qu’il s’agisse de signaux techniques (cyberattaques en cours), médiatiques (campagnes de dénigrement), ou juridico-économiques (tentatives de prise de contrôle d’un fournisseur), cette veille à 360° offre un diagnostic précis et réactif.
5.3. Développer une culture de la sûreté
La sensibilisation régulière des équipes et la mise en place de formations dédiées sont indispensables pour ancrer les bons réflexes. Tout collaborateur doit savoir comment signaler un incident, protéger ses identifiants et gérer des informations sensibles. Les directions de la sûreté et des ressources humaines, en collaboration avec la DSI, jouent ici un rôle essentiel.
5.4. Tester et entraîner (plans de crise)
Les exercices de crise permettent de tester la coordination entre différents services, d’identifier les zones d’ombre et de corriger les procédures avant qu’un incident réel ne survienne. Un bon plan de crise doit prévoir différentes options de repli, notamment dans la communication interne et externe, pour éviter tout emballement ou panique.
- Conclusion et appel à l’action
À l’ère des menaces hybrides, la sûreté est devenue un enjeu stratégique majeur pour toutes les organisations, qu’il s’agisse d’administrations publiques, de grands groupes ou de PME. Les exemples récents montrent qu’aucun secteur n’est épargné et que les attaques peuvent être redoutablement efficaces lorsque plusieurs vecteurs sont utilisés en même temps.
La clé réside dans une approche globale, intégrée et anticipatrice :
• Êtes-vous certain que vos mesures de protection actuelles couvrent toutes les dimensions de la menace (cyber, économique, réputationnelle, etc.) ?
• Vos filiales, prestataires et partenaires sont-ils sensibilisés et correctement préparés ?
Chez Semkel, nous aidons nos clients à bâtir cette vision globale de la sûreté, en les accompagnant dans la mise en place de politiques de sécurité (audit + recommandations) et d’une surveillance 360° cyber, économique et réputationnelle ainsi que des réponses adaptées face aux menaces. Au-delà des outils techniques, il s’agit de développer une véritable culture de la résilience, condition indispensable pour contrer des attaques qui ne cessent de se réinventer.