Contextualisation et historique
Un data broker (ou courtier en données) est une entreprise ou personne spécialisée dans la collecte, l’achat, l’analyse et la revente de données personnelles ou commerciales. Ces données proviennent de diverses sources, comme les sites web, les réseaux sociaux, les cartes de fidélité, les registres publics et les transactions en ligne.
Les data brokers existent depuis le XIXe siècle, bien avant l’ère numérique. À l’origine, des entreprises comme Dun & Bradstreet (1841) collectaient des informations sur la solvabilité des entreprises. Avec l’informatisation au XXe siècle, des sociétés comme Experian, Equifax et TransUnion ont automatisé la collecte de données financières et marketing.
L’essor d’Internet dans les années 1990 a entraîné une explosion du secteur, avec l’émergence de géants comme Acxiom et Oracle Data Cloud, spécialisés dans la collecte et la vente de données personnelles pour la publicité et d’autres usages. Aujourd’hui, les data brokers jouent un rôle clé dans l’économie numérique, accumulant des milliards de profils à partir des traces laissées en ligne.
Comment fonctionnent leurs enrichissements de bases de données
L’enrichissement des bases de données par les data brokers repose sur la collecte, la consolidation et l’analyse de données issues de multiples sources. Ce processus permet de croiser et d’affiner les informations afin de constituer des profils précis et exploitables.
La première étape consiste à collecter et acquérir des données provenant de différentes sources. Les data brokers récupèrent des informations en ligne grâce aux cookies, aux trackers publicitaires et à la navigation sur les sites web et les réseaux sociaux. Ils exploitent également les données mobiles issues d’applications qui partagent la localisation et les habitudes d’utilisation des utilisateurs. Les transactions commerciales constituent une autre source importante, incluant les achats en ligne, les programmes de fidélité et les paiements effectués par carte bancaire. À cela s’ajoutent les données publiques disponibles dans les registres électoraux, les fichiers d’entreprises et les bases gouvernementales. Enfin, les data brokers peuvent aussi acheter des informations auprès de partenaires tiers, tels que d’autres courtiers en données, des sociétés de marketing ou des institutions financières.
Une fois collectées, ces données sont soumises à une phase de nettoyage et de structuration. Cette étape est essentielle pour supprimer les doublons, corriger les erreurs et harmoniser les formats afin d’obtenir une base fiable et exploitable.
Les informations sont ensuite croisées pour enrichir les profils. Par exemple, les données de navigation peuvent être associées à un historique d’achats et à des informations de localisation afin de mieux comprendre le comportement d’un individu. Ce processus permet d’affiner les profils et de les rendre plus pertinents pour les entreprises qui souhaitent les exploiter.
Viennent ensuite l’analyse et la segmentation des données. Grâce aux outils de Big Data et à l’intelligence artificielle, les data brokers analysent les tendances et classent les individus en différents segments, comme les consommateurs potentiels ou les profils à risque. Cette classification permet de prévoir les comportements et d’anticiper les besoins des clients.
Enfin, les bases de données enrichies sont revendues à diverses entreprises qui les utilisent pour plusieurs raisons. Les sociétés de marketing s’en servent pour cibler leurs campagnes publicitaires et proposer des offres ultra-personnalisées. Les banques et les assurances exploitent ces données pour analyser les risques et ajuster leurs services en conséquence. D’autres entreprises y ont recours pour suivre l’évolution des tendances de consommation et affiner leur stratégie commerciale.
Comment est utilisé concrètement un data broker
Les data brokers sont des acteurs clés dans l’exploitation des données personnelles et professionnelles. Leurs bases de données enrichies sont utilisées par divers secteurs pour affiner leurs stratégies commerciales, évaluer des risques financiers ou encore analyser les comportements des consommateurs.
L’une des principales utilisations des services des data brokers concerne le marketing et la publicité ciblée. Les annonceurs achètent des ensembles de données détaillés pour affiner leurs campagnes publicitaires et atteindre avec précision des segments de consommateurs. Grâce à ces informations, ils peuvent personnaliser les publicités diffusées en ligne, sur les réseaux sociaux ou par e-mail en fonction des intérêts, de l’historique d’achats ou de la localisation des utilisateurs. Une personne ayant récemment recherché un produit spécifique pourra ainsi voir apparaître des publicités adaptées sur différentes plateformes.
Les entreprises du secteur bancaire et des assurances exploitent également les données fournies par les data brokers pour analyser les risques financiers. Les compagnies d’assurance utilisent ces informations pour évaluer la probabilité qu’un individu fasse une réclamation en fonction de son historique de comportement ou de ses habitudes de vie. De leur côté, les banques s’appuient sur ces bases de données pour attribuer des crédits, ajuster les taux d’intérêt ou détecter d’éventuelles fraudes en repérant des transactions suspectes.
Dans le domaine des ressources humaines et du recrutement, certaines entreprises consultent les bases de données enrichies pour en savoir plus sur les candidats avant de les embaucher. Elles peuvent ainsi vérifier leur historique professionnel, analyser leur réputation en ligne ou encore évaluer leur stabilité financière. Ces pratiques permettent aux employeurs de mieux cerner les profils des postulants et d’éviter d’éventuels risques.
Les études de marché et la veille économique sont un autre domaine où les data brokers jouent un rôle clé. Les entreprises utilisent ces données pour mieux comprendre les tendances de consommation, adapter leurs offres et identifier de nouvelles opportunités commerciales. Par exemple, une enseigne de distribution peut s’appuyer sur ces analyses pour savoir dans quelles régions ouvrir de nouveaux magasins ou quels produits proposer en priorité en fonction des habitudes locales.
Enfin, les data brokers sont également sollicités dans le cadre de la surveillance et de la sécurité. Certains gouvernements ou agences spécialisées achètent des ensembles de données pour suivre des comportements suspects, repérer des activités criminelles ou encore surveiller des individus considérés comme une menace potentielle. Ces informations permettent de croiser plusieurs sources et de reconstituer des parcours à partir d’éléments tels que les transactions, la géolocalisation ou les communications en ligne.
Ainsi, les data brokers sont devenus des intermédiaires incontournables dans l’économie des données. Leur rôle est essentiel pour les entreprises et institutions cherchant à affiner leur prise de décision grâce à l’exploitation massive d’informations personnelles et comportementales. Cependant, cette activité soulève des questions éthiques et légales, notamment en matière de protection de la vie privée et de transparence dans l’utilisation des données collectées.

Comment limiter l’indexation dans leurs bases de données
Se protéger des data brokers et limiter l’exploitation de ses informations personnelles peut sembler complexe, mais plusieurs mesures permettent de réduire son exposition. Il s’agit principalement d’adopter de bonnes pratiques en ligne, de gérer ses paramètres de confidentialité et d’exercer ses droits sur la protection des données.
La première étape consiste à réduire la quantité d’informations partagées sur Internet. Il est recommandé d’éviter de fournir des données personnelles lorsque ce n’est pas nécessaire, comme lors de l’inscription à un service ou à un programme de fidélité. Il est aussi préférable d’utiliser des alias ou des adresses e-mail secondaires pour limiter la traçabilité.
Il est essentiel de contrôler ses paramètres de confidentialité sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne. La plupart des sites offrent la possibilité de restreindre l’accès aux informations personnelles, d’empêcher le suivi publicitaire ou encore de désactiver la collecte de données via des options spécifiques. Supprimer les anciens comptes et éviter de partager des informations sensibles sur les forums ou les commentaires publics permet également de réduire les risques d’indexation.
L’utilisation d’outils de protection de la vie privée est un autre levier efficace. Installer des extensions de navigateur bloquant les cookies tiers et les trackers, comme uBlock Origin, Privacy Badger ou Ghostery, limite la collecte de données. Opter pour des moteurs de recherche respectueux de la vie privée, comme DuckDuckGo, et utiliser un VPN permet de masquer son identité et sa localisation lors de la navigation. Également l’utilisation d’adresse e-mail unique tel que les alias dans la solution ProtonPass permet de diminuer les risques.
Il est aussi possible de demander la suppression de ses données auprès des data brokers. De nombreuses plateformes, notamment en Europe grâce au RGPD et en Californie avec le CCPA, permettent aux individus d’exercer leur droit à l’effacement. Certains sites spécialisés, comme JustDeleteMe (Manuellement) ou Incogni (Service payant), répertorient les courtiers en données et expliquent comment demander le retrait de ses informations.
Enfin, il est crucial d’être vigilant face aux autorisations accordées aux applications mobiles. De nombreuses applications collectent des informations personnelles, comme la localisation ou les contacts, et les revendent ensuite à des tiers. Il est donc conseillé de limiter ces accès dans les paramètres du téléphone et de ne télécharger que des applications de confiance.
Les risques et enjeux liés à l’indexation dans les bases de données des data brokers
Être indexé dans les bases de données des data brokers soulève de nombreux enjeux qui peuvent affecter la vie privée, la sécurité, les opportunités économiques et même les droits fondamentaux des individus. Ces entreprises collectent et revendent des informations personnelles sans le consentement explicite des personnes concernées, ce qui entraîne des risques significatifs.
L’un des premiers problèmes est l’atteinte à la vie privée. Une personne indexée dans ces bases de données perd le contrôle sur ses informations personnelles, qui peuvent inclure son identité, ses habitudes de consommation, son historique de navigation et même sa géolocalisation en temps réel. Ces données, une fois croisées et analysées, permettent de dresser un profil détaillé d’un individu sans qu’il en ait conscience. Ainsi, un internaute peut être suivi dans ses activités quotidiennes, ses interactions sociales et ses déplacements sans jamais donner son accord explicite.
Les informations récoltées par les data brokers sont ensuite massivement utilisées dans le secteur du marketing et de la publicité ciblée. Grâce à ces bases de données enrichies, les entreprises peuvent adapter leurs campagnes en fonction des intérêts et des habitudes des consommateurs. Si cette pratique peut sembler anodine, elle représente un véritable risque de manipulation. Une personne ayant cherché des informations sur un problème de santé peut être submergée par des publicités pour des traitements coûteux, tandis qu’un individu en difficulté financière peut être ciblé par des offres de crédit à des taux élevés. En affinant les profils comportementaux, les annonceurs influencent subtilement les décisions d’achat et exploitent les vulnérabilités des consommateurs.
Un autre enjeu majeur concerne la discrimination et l’exclusion sociale. De nombreuses entreprises du secteur financier, de l’assurance ou du recrutement utilisent ces bases de données pour évaluer le profil d’un individu. Par exemple, une banque peut refuser un crédit ou proposer un taux d’intérêt plus élevé en fonction des données collectées sur le comportement de consommation d’un client. Une compagnie d’assurance peut ajuster ses tarifs en fonction des habitudes de vie déduites à partir des achats et des déplacements enregistrés. Dans le domaine de l’emploi, certaines entreprises peuvent analyser le profil numérique d’un candidat avant même un entretien, ce qui peut influencer une décision d’embauche sans que la personne concernée ne puisse s’en rendre compte. Ces pratiques, bien que discrètes, créent une forme de discrimination invisible, où des algorithmes déterminent des opportunités de vie sur la base de critères opaques et souvent contestables.
L’indexation dans une base de données de data broker expose également à des risques accrus en matière de cybersécurité. Ces entreprises étant des cibles privilégiées pour les hackers, une fuite de données peut entraîner des conséquences dramatiques. Si des informations sensibles comme l’adresse, le numéro de téléphone ou les habitudes de paiement d’un individu tombent entre de mauvaises mains, il devient vulnérable à des attaques de phishing, à des tentatives d’escroquerie ou même à une usurpation d’identité. Les cybercriminels peuvent exploiter ces données pour accéder à des comptes bancaires, détourner des fonds ou monter des arnaques sophistiquées en se basant sur des informations réelles.
Au-delà des acteurs privés, les bases de données des data brokers sont parfois exploitées par des gouvernements et des agences de renseignement, ce qui pose un problème en matière de surveillance de masse et de libertés individuelles. Dans certains pays, ces informations sont utilisées pour surveiller des activistes, des journalistes ou des opposants politiques, mettant en péril la liberté d’expression et la démocratie. L’absence de contrôle sur la circulation de ces données permet aux États de contourner certaines législations et de profiler des individus sans mandat judiciaire.
Enfin, l’un des plus grands défis liés à l’indexation dans les bases de données des data brokers est l’impossibilité quasi totale d’effacer ces informations. Même si certaines réglementations, comme le RGPD en Europe ou le CCPA en Californie, permettent de demander la suppression de ses données, ces démarches sont longues et rarement efficaces. Une fois collectées, les données personnelles sont revendues en continu à d’autres acteurs du marché, rendant leur suppression particulièrement difficile. Une information effacée d’une plateforme peut toujours être disponible ailleurs, circulant entre différents courtiers en données.
Les risques de sûreté associés à la géolocalisation des employés en mission professionnelle
L’usage de la géolocalisation lors des déplacements professionnels soulève d’importants enjeux en matière de sûreté. Sans en avoir conscience, les employés peuvent exposer des informations sensibles sur leurs trajets, leurs lieux de séjour et même leur domicile, ce qui peut entraîner des risques d’espionnage, de cyberattaques ou de menaces physiques.
L’un des premiers dangers concerne l’espionnage économique et industriel. Lorsqu’un employé voyage fréquemment vers des destinations spécifiques pour rencontrer des partenaires, négocier des contrats ou explorer de nouveaux marchés, la collecte et l’analyse de ses données de localisation peuvent révéler des informations stratégiques. Des concurrents ou des entités malveillantes pourraient surveiller ces déplacements pour anticiper les décisions d’une entreprise, identifier ses fournisseurs ou comprendre ses axes de développement.
Les cybercriminels exploitent également la géolocalisation pour mener des attaques ciblées. En analysant les habitudes de déplacement d’un individu, ils peuvent orchestrer des tentatives de phishing plus efficaces, en usurpant l’identité d’un hôtel ou d’un partenaire commercial situé à proximité. Par ailleurs, certaines applications accédant aux données de localisation peuvent être compromises et transmettre ces informations à des tiers sans le consentement de l’utilisateur, augmentant ainsi le risque d’exfiltration de données sensibles.
La question de la vie privée et de la sécurité physique est aussi un enjeu majeur. Une exposition excessive des informations de géolocalisation peut permettre à des individus malveillants d’identifier le domicile d’un employé, notamment s’il active ses services de localisation en dehors de ses horaires de travail. Cette vulnérabilité est particulièrement critique pour les dirigeants ou les employés occupant des postes stratégiques, qui peuvent être la cible de cambriolages, d’enlèvements ou de tentatives de chantage. En suivant les habitudes de déplacement d’une personne, il devient possible d’anticiper ses allées et venues et d’exploiter ces informations à des fins criminelles.
Enfin, certaines législations locales imposent des contraintes sur l’utilisation des données de localisation, notamment lors de déplacements dans des pays où la surveillance gouvernementale est omniprésente. Dans ces contextes, les services de renseignement locaux peuvent exploiter les données de géolocalisation pour surveiller les activités des visiteurs étrangers, identifier leurs contacts et exercer une pression sur eux en fonction de leurs déplacements.
Conclusion
Face à la menace croissante que représentent les Data Brokers, la protection proactive de vos données sensibles et stratégiques est plus que jamais indispensable. Chez Semkel, nous mettons à votre service notre expertise en intelligence économique et cyber afin de vous aider à anticiper ces risques complexes. Grâce à notre surveillance constante du dark web, nos audits approfondis et nos solutions avancées de prévention, nous vous accompagnons dans la sécurisation optimale de vos informations critiques. Ensemble, préservons votre sécurité économique, numérique et réputationnelle dans un monde où vos données sont votre capital le plus précieux.
Sources :
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/02/12/donnees-personnelles-en-vente-libre-les-data-brokers-une-industrie-hors-de-controle_6543025_4408996.html
https://www.lesechos.fr/2018/01/lapplication-strava-revele-la-position-de-bases-militaires-secretes-983049